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Page mise à jour le 31/10/2024
Droit à la déconnexion : loi, principes et mise en place
Depuis le 1er janvier 2017, les entreprises dotées d’un délégué syndical doivent garantir à leurs salariés un droit à la déconnexion dans le cadre d’un accord d’entreprise ou d’une charte. En quoi consiste ce droit et comment se mettre en conformité avec la loi ? MMA vous éclaire.
Droit à la déconnexion : se mettre en conformité avec la loi pour l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle des salariés.
© Poba/istock
Qu’est-ce que le droit à la déconnexion ?
Depuis le 1er janvier 2017, les entreprises dotées d’un délégué syndical sont tenues de garantir à leurs collaborateurs un droit à la déconnexion. Une obligation qui découle de l’article 55 de la loi travail du 21 juillet 2016 et qui vise à assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale.
Le droit à la déconnexion peut se définir comme le droit pour tout salarié de ne pas être connecté à un outil numérique professionnel (smartphone, ordinateur, tablette, messagerie, logiciels etc.) en dehors de son temps de travail (notamment le soir et les week-ends). Il concerne tous les salariés amenés à utiliser les nouvelles technologies.
Cette loi entend ainsi prévenir le burn-out et préserver un équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle dans une société de plus en plus en moderne et hyper connectée.
UNE POROSITÉ CROISSANTE ENTRE L’ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE ET LA VIE PERSONNELLE
Selon une étude de ManPower(2) menée en 2022, 41% des salariés souhaiteraient un meilleur équilibre vie professionnelle / vie personnelle. Un facteur qui pourrait inciter plus d’un tiers d’entre eux (33%) à changer d’entreprise.
Une étude de l’Insee réalisée en 2022(3), souligne que 41 % des cadres travaillent le soir, les plus nombreux à le faire étant les professeurs et professions scientifiques (57 %) ainsi que les professions de l’information, de l’art et des spectacles (59 %).
D’après le baromètre Mailoop des usages numériques et de la déconnexion (1er semestre 2021), plus de 20 % des mails professionnels seraient envoyés avant 9h, après 18h ou durant les week-ends. Près de 60 % des réponses faites à un mail reçu en dehors des horaires seraient elles-mêmes envoyées en dehors des horaires de travail.
Code du travail et droit à la déconnexion : quelles obligations pour vous employeur ?
La loi reconnaît ce droit à la déconnexion, mais elle ne précise pas comment le traduire en actes. Concrètement, sachez que vous êtes soumis à une obligation de négociation dès lors que votre entreprise est dotée d’un délégué syndical.
Vous devez, en effet, négocier avec les partenaires sociaux un accord fixant les modalités d’exercice par les salariés de leur droit à la déconnexion.
Faute d’accord, vous devrez élaborer une charte précisant les modalités de déconnexion. Vous êtes libre de choisir son contenu. La loi précise seulement qu’elle devra comporter, à minima, la liste des actions mises en œuvre pour former et sensibiliser vos salariés à un usage raisonnable des outils numériques. Il conviendra aussi de prendre l’avis du comité social et économique. Cette charte pourra être annexée au règlement intérieur de votre entreprise.
Qui est concerné par le droit à la déconnexion ?
Le droit à la déconnexion vise l'ensemble de vos salariés, y compris les télétravailleurs. Bien qu’ils travaillent dans leur sphère privée, ces derniers doivent eux aussi pouvoir exercer ce droit.
La réglementation les protège déjà en instaurant des durées maximales de temps de travail journalier et hebdomadaire, ainsi qu’une période de repos quotidien d’au moins onze heures consécutives entre deux journées de travail. La Cour de cassation a notamment considéré que le fait, pour un salarié de ne pas pouvoir être joint sur son portable personnel en dehors des horaires de travail ne pouvait être considéré comme une faute et légitimer un licenciement disciplinaire pour faute grave.
L’article 55 de la loi travail vous impose néanmoins d’aller plus loin et de définir les règles du jeu du télétravail, pour protéger la vie privée du télétravailleur et assurer sa possibilité de déconnexion. Par exemple, vous pouvez déterminer précisément les plages horaires au cours desquelles il est possible de contacter vos salariés en télétravail, dans la charte ou l’accord collectif qui formalise cette pratique au sein de votre entreprise.
Ne sont pas concernés par ce droit :
- Les entreprises qui ne sont pas dotées d’un délégué syndical. Si vous n’êtes pas tenus d’ouvrir les négociations, vous devez définir les conditions du droit à la déconnexion pour vos salariés en forfait jours et mettre en place des actions visant à protéger ce droit, notamment dans le cadre de votre devoir de prévention des risques psychosociaux. Laisser s’installer un contexte de « surconnexion » favorisant le « burn out » des salariés pourrait constituer un manquement à vos obligations d’employeur. Par ailleurs, la multiplication des mails envoyés tardivement ou le week-end est à l’origine d’un nombre croissant de contentieux. Certains salariés attaquent aujourd’hui leurs employeurs devant les prud’hommes pour non-paiement d’heures supplémentaires ou non-respect des heures de repos, voire pour harcèlement moral lié à une communication intempestive par mails. Dans tous les cas, il est important de se pencher sur ces questions.
- Les salariés en prestation de service dans votre entreprise ne sont pas concernés. En effet, c’est leur employeur qui est tenu de respecter ce droit à la déconnexion.
Bon à savoir
Le refus de rémunérer des heures supplémentaires dont l’existence est incontestable constitue une violation des obligations de l’employeur dans le cadre du contrat de travail. Le salarié peut en prendre acte pour rompre ce dernier et réclamer ensuite au Conseil des prud’hommes une indemnisation du préjudice subi.
Comment mettre en place le droit à la déconnexion ?
La loi ne donne pas de consignes précises sur la façon dont vous devez assurer ce droit à la déconnexion. Pour vous aider, voici quelques exemples de pratiques d’entreprises.
Certaines entreprises jouent la carte des recommandations, par le biais d’accords ou de chartes. Par exemple, un employeur a indiqué dans son accord d’entreprise que « chaque salarié veillera à se déconnecter du réseau et à ne pas envoyer de mail en dehors des heures habituelles de travail ».
D’autres vont jusqu’à :
- Créer une « obligation de déconnexion », décrétant qu’un collaborateur n’a pas à envoyer des mails pendant un congé, un arrêt maladie, ou un jour de RTT.
- « Forcer » la déconnexion par des mesures techniques : blocage des serveurs de 18h à 7h en semaine et durant tout le week-end, ou mise en place d’un programme qui efface les mails reçus pendant les vacances, après avoir prévenu l’expéditeur.
- Rappeler les modalités du droit à la déconnexion au sein de votre entreprise, en configurant par exemple l’affichage d’une fenêtre pop-up sur le poste de travail de vos salariés à partir d’une certaine heure.
Les conseils MMA
Profitez de cette nouvelle obligation pour faire le point sur les pratiques de communication de votre entreprise. Combien de mails vos collaborateurs reçoivent-ils en moyenne par jour ? Y aurait-il des possibilités de réduire ce volume, par exemple en limitant le réflexe du « copie à » qui a tendance à inonder certaines personnes parfois peu concernées par l’information véhiculée ?
Beaucoup d’études pointent du doigt aujourd’hui la « surcommunication » qui règne dans les entreprises et évaluent à un tiers le temps moyen passé par un salarié à lire ses mails. Une situation qui nuit à la concentration et à la créativité des collaborateurs. S’interroger sur ces pratiques est d’autant plus important qu’au-delà du bien-être de vos salariés, c’est aussi la performance de votre entreprise qui est en jeu.
Prenez le temps de réfléchir aux impacts des mesures de déconnexion que vous prenez. Si vous bloquez les serveurs à 18h, ne risquez-vous pas d’augmenter le stress de vos collaborateurs qui vont systématiquement se dépêcher d’envoyer leurs mails 10min avant la fin ? En effet, n’oubliez pas qu’une action qui a fonctionné dans une entreprise peut très bien ne pas réussir dans une autre.
Quelles sanctions en cas de non-respect de vos obligations relatives au droit à la déconnexion ?
Le non-respect des obligations relatives au droit à la déconnexion peut entraîner plusieurs types de sanctions pour l’employeur. En premier lieu, des sanctions disciplinaires peuvent être appliquées, allant de l’avertissement à des amendes administratives. De plus, l’employeur peut être tenu responsable en cas de litige porté devant les prud’hommes, ce qui peut aboutir à des condamnations financières pour préjudice moral ou pour non-respect des conditions de travail. Enfin, une mauvaise gestion du droit à la déconnexion peut nuire à la réputation de l’entreprise et affecter la motivation et la productivité des employés, entraînant des conséquences à long terme sur la performance globale de l’organisation.
Il est donc crucial pour les employeurs de respecter et de promouvoir activement ce droit afin de garantir un environnement de travail sain et équilibré.
(1) Source : sondage Opinionway pour Empreinte Humaine, mai 2021
(2) Étude menée auprès de 13 707 recruteurs entre le 13 octobre et le 25 novembre 2022 et auprès de 8 016 salariés du 1er novembre au 25 novembre 2022, dans 8 pays : France, Etats-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Espagne, Suède et Norvège. En France, ce sont 1 020 recruteurs et 1 001 salariés qui ont été interrogés.
(3) Portrait des professions en France en 2022, Insee, enquête Emploi 2022.
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